TEXTES : Gn 15, 5-12. 17-18 / Ps 26(27), 1. 7-9. 13-14 / Ph 3, 17 – 4, 1 / Lc 9, 28b-36
PREDICATEUR : P. Marcellin YAWO, SVD
THEME : La prière transforme
Pour les chrétiens, Dieu a ordonné un temps de renouvellement spirituel caractérisé par une nouvelle vie, une joie intérieure, une nouvelle fragrance spirituelle et une vie spirituelle fructueuse. Il s’agit de la Metanoia ; de la transformation sur le plan spirituel. Dans ce temps de carême où nous sommes appelés à changer nos vies, la prière s’avère être l’un des piliers sur laquelle notre quotidien peut se fonder pour arriver à cette fin qui est la metanoia. La liturgie de ce jour nous présente à cet effet Jésus qui priait jusqu’à se transfigurer ; montrant ainsi l’effet transformateur que la prière peut avoir sur une vie.
Dans l’évangile de ce deuxième dimanche de carême, la transfiguration du Seigneur a eu lieu lorsqu’il était en prière (Lc 9, 29). La prière chrétienne est pour ainsi dire un moyen de transfiguration du croyant ; Celui qui prie en vérité doit voir sa conduite transformée. Certains interprètent ce passage comme une brève anticipation de l’expérience du paradis, donnée par Jésus à un groupe de ses disciples pour les préparer à supporter la dure épreuve de sa passion. Mais une lecture comparative de la version de l’évangéliste Luc par rapport aux évangélistes Marc et Matthieu nous fait voir certains détails qui sont spécifiques à Luc. Seul l’évangéliste Luc nous donne la raison pour laquelle Jésus gravit la montagne : il va pour prier (Lc 9, 28). Jésus a l’habitude de consacrer beaucoup de temps à la prière. Il ne savait pas dès le début comment se déroulerait sa vie, il ne connaissait pas le destin qui l’attendait, il ne le découvrit que peu à peu à travers les illuminations qu’il recevait durant la prière. C’est dans un de ces moments intenses de prière qu’il se rend compte qu’il est appelé à sauver les hommes non par le moyen du triomphe, mais à travers la défaite. A une certaine hauteur de l’évangile, Luc commence à montrer les signaux de l’insuccès : les foules, enthousiastes auparavant, abandonnent Jésus, ses ennemies cherchent à le tuer. Il est donc clair qu’il s’interroge sur le chemin que le Père veut qu’il parcoure. C’est pourquoi il « gravit la montagne pour prier ». Pendant qu’il priait, le visage de Jésus change d’aspect (Lc 9, 29). A la différence des autres évangélistes, Luc ne parle pas de transfiguration, mais de « changement d’aspect ». Ce resplendissement est le signe de l’union à Dieu. C’est le signe de la gloire qui entoure celui qui s’unit à Dieu. Le visage de Moïse devenait brillant quand il entrait en dialogue avec Dieu (Ex 34, 29-35). Chaque rencontre authentique avec Dieu laisse quelques traces visibles sur le visage de l’homme ; c’est pourquoi après une célébration de la parole ou de l’eucharistie bien vécue on rentre à la maison, plus heureux, plus serein, plus souriant, plus compréhensif, plus tolérant, très joyeux et très généreux. La splendeur au visage de Jésus nous montre que durant la prière, il a compris et a fait sien le projet du Père. Il a compris que son sacrifice ne s’achevait pas dans la défaite, mais par la gloire de la résurrection. Partant de l’expérience de Jésus nous tirons quelques implications pour nous qui voulons faire l’expérience d’une profonde transformation spirituelle par la prière :
1 – La prière requiert une ambiance de recueillement (Lc 9, 28). Pour bien prier, Jésus se retire sur une montagne qui est un cadre propice de recueillement et de rencontre avec Dieu (Ex 24, 16). Selon les évangélistes, Jésus préfère se retirer souvent dans des lieux isolés pour prier. La vraie prière chrétienne se fait à l’abri des bruits et brouhahas. L’Expérience d’Elie qui apparait à Jésus dans l’évangile d’aujourd’hui nous en dit plus. Selon lui, Dieu n’est pas dans l’ouragan, mais dans la brise légère. Dieu nous parle dans le silence profond de nos cœurs.
2 -La prière est ce moment d’intime dialogue avec Dieu. Durant la prière de Jésus sur le Mont dit de Tabor, Elie et Moïse sont venus s’entretenir avec lui (Lc 9, 30). Ces deux personnages de l’ancien testament symbolisent respectivement les livres de la Loi et les prophètes. Jésus entre donc en contact avec ces deux Ecrits, les possède, les rumine, touche du doigt les desseins de Dieu qui y sont inscrits. Il en découle que la prière est un moment de méditation de la parole de Dieu. La bible est donc le moyen le plus sûr qui permet de dialoguer avec Dieu dans la prière. Dieu nous révèle dans l’intimité de la prière son plan sur notre vie et nous donne le courage d’accepter ce qui semble difficile pour nous. Abraham a entendu la voix de Dieu et ne voyant pas clairement le dessin de Dieu sur sa vie, il s’est abandonné en ses bras. Il lui a fait confiance et « cette foi lui fut comptée comme juste » (Gn 15, 6).
3 – La prière est un temps de préparation pour le combat de la vie. Dans l’ancien testament, la montagne est aussi le lieu où se réfugie une armée qui se prépare à la guerre (Cf. Jg 4, 6). Comme dans l’ancien testament, Jésus se retire sur la montagne pour prier et pour se préparer à l’apostolat ; au combat contre le diable. C’est ainsi qu’à peine descendu de la montagne, il doit faire face à un esprit démoniaque (Lc 9, 38). La prière ne renferme pas le chrétien sur lui-même, mais il le pousse vers les autres, vers le service.
Bien-aimé(e)s dans le Seigneur, se laisser transformer par la prière, c’est faire l’expérience de la sainteté, de la souveraineté et de la puissance de Dieu. C’est Dieu qui visite son peuple avec une bénédiction spéciale et renouvelée. Cette transformation nous apporte une nouvelle conscience de la présence de Dieu, une nouvelle révélation de Dieu, une nouvelle sensibilité à Dieu. Souvent nous sommes tentés comme Pierre, de construire des tentes, de se refermer sur nous-mêmes. Mais nous devons apprendre de Jésus. Si belle fut l’expérience de la transfiguration, Jésus dut l’interrompre pour descendre de la montagne et aller vers les hommes. Pendant ce temps de carême, que nos prières nous disposent à nous ouvrir davantage aux autres.